Il Peut le Faire ! (Partie 1 : Le Scan)

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Mais ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’il faut le faire, ou encore moins, qu’on doit le faire…

Après un article de mise au point (disponible ICI) dans lequel j’expliquais en partie les raisons de mon choix de l’argentique et mon refus de faire des retouches numériques sur mes scans, j’ai eu quelques retours, assez positifs dans l’ensemble, et plusieurs interrogations sur le scan en général, et sur certaines retouches en particulier… Concernant le scanner, ce sont surtout des questions sur les différentes façon de procéder, savoir si une façon est meilleure que l’autre, quel scanner est meilleur, quel logiciel est meilleur, etc… Concernant les retouches, on est parfois proche du troll avec des trucs genre « Est ce que tu sais vraiment de quoi tu parles ? » ou « Est ce que tu saurais faire les trucs les plus simples ?« . Mais aussi une vraie question qui revient souvent : « Est ce que ça change réellement une photo de la retoucher ?« , et il peut être intéressant d’essayer d’y répondre.

Le Scan

Pour scanner une pellicule (que ce soit du négatif ou du positif), il n’y a pas vraiment le choix, il faut un scanner adapté.

Aujourd’hui, il n’existe plus tant de formats que ça :

  • Le format ‘cassette‘ (ou 110) qui correspond à du 13mm x 17mm.
  • Le format ‘standard‘ (ou 35mm, 135, etc) qui correspond à du 24mm x 36mm.
  • Le ‘moyen format‘ (ou 120) qui va du 6×4,5 (56mm x 41mm) au 6×9 (56mm x 84mm).
  • Le format ‘plan film‘ qui va du 3,55×4,73 (9cm x 12cm) au 16×20 (40,64cm x 50,8cm).

Chaque format nécessite un appareil adapté, et chaque film développé nécessite un scanner capable de traiter un tel format.

Les scanners utilisables sont dissociables en quatre catégories :

  • Les scanners de labos ‘très haut de gamme‘ (Hasselblad Imacon Flextight X5) et ‘haut de gamme‘ (Fuji Frontier SP3000, Noritsu HS-1800, iQsmart 3).
  • Les scanners ‘professionnels’ spécialisés dans le traitement des films, dits ‘multi-formats‘ (Nikon CoolScan, Plustek OpticFilm 120, etc).
  • Les scanners ‘basiques’ prenant en charge les formats de pellicules les plus courants, dits ‘scanners à plat‘ (Epson V850 Pro, Canon 9000F Mark II, etc).
  • Les autres scanners… Que ce soit des scanners types ‘combo Imprimante+Scanner‘, des scanners d’entreprises (de bureau, photocopieurs, etc), ou des scanners de marques inconnues (ou presque) estampillés ‘Scanner à Négatifs‘, dans plus de 90% des cas le résultat n’arrivera même pas à la hauteur d’un scanner à plat de marque.

Il ne faut pas se leurrer, aucun autre scanner n’atteint le niveau de qualité et de rendu des scanners haut de gamme et très haut de gamme… Mais ces scans sont généralement chers, et tous les labos qui proposent des impressions en plus du développement n’en possèdent pas forcément, car les machines elles-même sont chères. Ces scanners ont chacun leur rendu particulier et des logiciels dédiés (voire des ordinateurs intégrés), donc n’espérez pas retrouver un équivalent chez votre revendeur informatique le plus proche… À moins de vouloir dépenser des milles et des cents dans un scanner multi-formats, bon nombre devra faire avec un bon vieux scanner à plat, mais ce n’est pas une tragédie pour autant car avec un bon logiciel (SilverFast, VueScan, etc) on obtient des résultats plus que convenables, et il vaut toujours mieux scanner soi-même !

Les Scans de labo

Pourquoi scanner soi-même ? Pour être certain du résultat… Un bon scan, c’est comme un bon tirage à l’agrandisseur, si on veut qu’il représente ce qu’on veut montrer, il faut travailler directement avec la personne qui scanne (ou qui fait le tirage) ou le faire soi-même. Envoyer ses films à scanner à un labo renommé peut être une bonne chose, mais seulement si on sait parfaitement à quoi s’attendre. Nombreux sont ceux qui proposent des formules ‘développement du film + scans‘, mais dans ces cas là, ça ne garantie jamais la fidélité de votre vision de photographe, bien au contraire, car dans ces fameuses formules, le scan sera le plus basique du monde et la seule garantie est d’avoir un rendu numérique irréprochable. Prenons des exemples :

En haut de l’image, des scans de labos, en bas, des scans ‘maison’… On remarque tout de suite qu’au niveaux des noirs, on est bien loin du compte. Pourtant, lors des prises de vues, les mesures (de lumière) ont été prises (en mode ‘spot‘) sur les parties les plus claires des sujets, histoire d’avoir justement des noirs bien prononcés. Résultat, sur la photo du Faune, les parties claires sont presque cramées sur le scan du labo, tandis que sur la photo du Nautile c’est l’effet de contraste qui prend une sacrée claque… On voit donc que, comme un appareil photo en mode ‘tout automatique‘, sur ces scans de labo c’est la luminosité générale qui prime et non celle qu’on a voulu capturer, celle que devrait avoir la photo qu’on a prise… Autre point non négligeable : on a rogné les images ! Souvent, avec les formules développement+scans, ce sont des machines qui font tout le travail, et donc au niveau de la sélection de la zone à scanner, on est également au mode le plus basique et c’est leur logiciel qui fait tout. Hélas, le résultat c’est qu’il manque des morceaux à nos photos… C’est véritablement flagrant sur le Nautile où il manque une partie à gauche de l’image, pourtant bien présente lorsque je fais le scan chez moi… Si vous voulez un scan de labo réellement bon sur tous les plans, il va falloir le préciser à la commande. En général ils ne sortent l’artillerie lourde que pour des scans en haute définition et, comme dit plus haut, ces scans sont plus cher que ceux proposés dans les formules. Il ne coute rien en revanche de leur demander quel scanner ils possèdent, histoire d’être sur que cela vous convienne, et certains labos iront même jusqu’à vous laisser choisir le scanner qu’ils doivent utiliser. Moralité : soit vous êtes derrière le technicien, soit vous donnez des instructions pour votre scan HD, soit vous le faites vous-même !

Maintenant, comme je l’ai dit au début, les scans de labo des fameuses formules ont tout de même un avantage non négligeable : leur qualité.

À gauche : Scanner de labo le plus basique possible – À droite : Scanner ‘maison’ dans la résolution maximale

Il ne faut pas se voiler la face, ces scans de labo ultra basiques, bien qu’ils ne soient pas fidèles à votre vision ou au rendu que devrait avoir votre photo, seront toujours d’une meilleure qualité numérique que ce que vous obtiendrez avec votre scanner à plat. En matière de capteurs, de luminosité, de restitution, etc, n’importe quel scanner de Haut de gamme à Professionnel donnera de meilleurs scans, plus précis et plus nets. Ces scans sont donc, à l’image d’une planche contact, un très bon moyen d’avoir un aperçu de vos clichés et une bonne base de départ pour faire votre scan maison dans les meilleures conditions possibles. En effet, sans réglages préalables, votre scanner non plus ne donnera pas les images telles que vous les imaginiez, et il vous faudra souvent peaufiner les réglages (et/ou définir des profils réutilisables si possible) afin d’avoir un rendu aussi proche que possible de ce que vous pourriez avoir avec un tirage à l’agrandisseur.

[N.B: Afin d’améliorer la netteté d’un scan, passer par un logiciel de traitement d’image (genre Photoshop) permet de créer un composite à partir de plusieurs scans. Par exemple, on réalise un scan dans la plus haute qualité possible, puis le scan le plus net possible, et on ‘fusionne‘ les deux avec le logiciel afin de renforcer la netteté du scan en haute qualité. Dans l’absolu, ce procédé rappelle celui utilisé pour obtenir une image numérique HDR. Ceci étant une manipulation, je préfère conserver des scans moins nets]

Les scans maison

Pour que vous voyiez bien les différences entre les modes de scans, la même image sera utilisée comme exemple (bien que recadrée différemment afin de correspondre au mieux au scan formule du labo) :

« Waiting for the Sunset » Cette image est mon scan définitif. Le plus proche d’un tirage de travail et le plus fidèle aux couleurs que ce négatif devrait donner lors d’un passage à l’agrandisseur. La seule chose qui pourrait manquer est le ‘dodge & burn’, que je me refuse totalement à faire numériquement car ça n’aurait jamais le rendu artistique et artisanal du même procédé réalisé à la lumière de l’agrandisseur.

1) La base : le scan du labo

Si c’est notre premier scan, comment savoir ce qu’il faut faire pour améliorer nos images ? Deux solutions : le passage à l’agrandisseur pour un tirage de travail, ou justement un scan ‘basique’ de labo.

Le passage à l’agrandisseur est ce vers quoi toute personne travaillant en argentique tend, c’est la façon normale et traditionnelle de tirer ses clichés, et c’est véritablement ce qu’on devrait faire si on veut notre photo sur support physique. Mais là on parle de scan et de référence pour faire soi-même un ‘bon’ scan, et se servir d’un modèle sur papier n’est pas le plus judicieux pour obtenir un résultat numérique fiable. En effet, lorsqu’on travaille sur des images numériques de façon professionnelle, ça demande du matériel particulier, à commencer par un écran haut de gamme (genre Eizo) parfaitement calibré (généralement à la sonde) afin d’avoir des couleurs exactes. Et si on veut imprimer ses photos, là encore ça demande une bonne imprimante (de préférence à jet d’encre), elle aussi bien calibrée. Vous avez déjà remarqué qu’en imprimant une photo les couleurs sont (que ce soit plus ou moins) différentes de celles que vous avez à l’écran ? C’est que votre matériel n’est pas calibré. Un tel matériel peut s’avérer onéreux, et si on peut se passer de l’imprimante (surtout si on veut exposer son travail, rien ne vaut un tirage Fine Art), un bon écran bien calibré est O-BLI-GA-TOIRE !

Oui mais voilà, si on n’est pas professionnel, ou qu’on n’a pas encore les moyens d’investir dans un super écran ? Alors là, le scan formule de labo est une excellente base de départ. Peut importe la qualité de votre écran, vu que le but sera de faire correspondre au mieux les couleurs d’images numériques sur cet écran là. Quand bien même le résultat serait différent de l’écran lors d’un tirage ou d’une impression, on sait que le labo, malgré certaines erreurs de luminosité ou de contraste, sera toujours plus fiable que vos yeux devant un écran moyen calibré au pifomètre… On fera donc confiance à ce scan de labo et il nous servira de référence pour travailler notre scan maison.

Si vous n’avez pas de labo près de chez vous, en voici plusieurs qui ont bonne réputation et qui permettent de faire développer et scanner vos pellicules par correspondance :

  • Nation Photo (Paris – France) : Grand choix de développements avec possibilité de laisser des consignes.
  • LomoLab (Vienne – Autriche) : Basique de chez basique, mais le meilleur rapport qualité/prix pour une formule Développement+Scans+Impressions.
  • Carmencita Film Lab (Valencia – Espagne) : Possibilité de soigner aussi bien les développements que les scans et les impressions.

Et voici donc notre scan formule du labo pour notre image de référence :

Ici le scan labo est une très bonne base. Les principaux défauts sont qu’il est peu ‘blanc’, et qu’on ne retrouve pas assez franchement les couleurs typiques d’une pellicule Kodak Portra. Ce sont donc ces choses qu’on voudra améliorer avec notre propre scan.

2) Scanner avec le logiciel de base

La première chose qu’on est tenté de faire, c’est de scanner avec le matériel dont on dispose déjà, à savoir notre scanner et le logiciel qui était fourni avec (ici EpsonScan). Nous allons voir que les performances de ces logiciels sont pourtant en dessous des logiciels spécialisés. D’ailleurs de plus en plus de scanners performants sont maintenant livrés directement avec un de ces logiciels spécialisés (SilverFast pour les scanners Epson par exemple).

  • Basique : En mode Automatique, le scanner fait tout le travail. L’image est trop foncée, pas assez nette, et les couleurs ne correspondent ni au scan du labo, ni à la réalité au moment de la prise de vue.
  • Réglages supplémentaires : On ajoute de la Netteté, puis une correction du rétro-éclairage. C’est le meilleur résultat que le logiciel puisse donner de lui même, mais il ne correspond pas encore assez au scan du labo ou à la réalité.
  • Réglages manuels : En se servant des informations recueillies par le scanner au moment de la pré-numérisation, on peut essayer de régler ce dernier (via les courbes, l’histogramme, etc) afin d’avoir une restitution maximale de ces informations. On voit ici les limites du logiciel avec une teinte qui s’approche un peu plus de la réalité, mais un rendu criard et des couleurs bien trop saturées. On pourrait bien sur changer à nouveau les réglages pour compenser ces nouveaux défauts, mais ce serait uniquement en fonction de notre jugé et de nos gouts…

3) Scanner le négatif pour un développement numérique

Négatif scanné en Positif : Pour avoir une base correcte, on enlève tous les réglages automatiques du scanner, et on scanne en mode ‘Diapositive’ dans la qualité la plus haute possible et au format le moins destructif (RAW, TIF, etc).

C’est bien connu, on ne triche pas avec un positif. Pour un scanner, c’est presque tout aussi vrai, en tenant compte bien entendu de la qualité et du calibrage de votre matériel… Cette méthode consiste à scanner le négatif comme si c’était du positif pour ensuite traiter le résultat avec un logiciel de retouches numériques. Une méthode bien souvent employée pour traiter les négatifs de Fuji FP100-C javellisés.

  • Développement rapide du négatif : On ouvre notre fichier scanné et on applique directement les changements nécessaires. La qualité est irréprochable, mais les dominantes de rouges/jaunes/oranges sont trop présentes.
  • Développement travaillé du négatif en 16bit : On ouvre notre fichier scanné, on le duplique dans un espace de travail RGB 16bit, et on applique ensuite les changements nécessaires. La qualité est toujours irréprochable, mais les dominantes de rouges/jaunes/oranges sont toujours trop présentes, bien que moins vives.
  • Développement travaillé du négatif en 8bit : On ouvre notre fichier scanné, on le duplique dans un espace de travail RGB 8bit, et on applique ensuite les changements nécessaires. La qualité est toujours irréprochable, et là nos couleurs sont enfin plus proches de ce que l’on recherche. Néanmoins, si le rendu est très bon, il reste trop terne, et je ne suis pas pleinement satisfait des couleurs… Là encore, vu qu’on est sous logiciel de traitement d’images, on pourrait cela soi-même, mais toujours uniquement en fonction de notre jugé et de nos gouts.

[N.B 2: Les différences entre les versions 8bit et 16bit me paraissent tout de même énormes. Je n’ai pas poussé les tests, mais il est envisageable que les métadonnées de mon scan originel ne soient pas accessibles à mon logiciel si je lui demande une trop haute qualité. Ou encore que j’aie eu un raté quelque part, mais je ne vois pas où… À creuser, j’éditerais si j’obtiens une réponse]

4) Scanner avec un logiciel dédié

Les logiciels de scan ne manquent pas, et si ils ont été développés, c’est bien pour combler les lacunes des fabricants de scanners et permettre une meilleure restitution des images. Ces logiciels compensent les vides et les manques, permettant ainsi, même au plus humble des scanners, d’utiliser pleinement son potentiel. À titre informatif, j’utilise un scanner à plat Epson ainsi que la dernière version du logiciel SilverFast. Maintenant, comme tout logiciel, il appartient à l’utilisateur de le régler correctement afin d’obtenir une image qui le satisfera vraiment.

  • SilverFast en mode ‘tout automatique’ : La qualité du rendu est tout de suite supérieure à celle obtenu avec le logiciel de base. Cependant, l’image est trop ‘rosée’ à cause de la correction automatique des courbes de couleurs et des quelques autres réglages par défaut.
  • SilverFast sans réglage : Si on enlève l’intégralité des réglages par défaut, l’image est tout de suite plus proche de ce qu’on recherche, mais ce n’est pas encore tout à fait ça.
  • SilverFast avec réglage manuel : En choisissant la bonne pellicule dans l’outil NegaFix, nos couleurs sont tout de suite plus proches de ce que donnait notre scan formule du labo… Avec un scanner relativement simple, un bon logiciel, et les réglages adéquats, on arrive donc à obtenir un scan qui reflète assez fidèlement ce que donnerait notre photo si on voulait en faire un tirage simple à l’agrandisseur.

Attention ! Lorsque vous scannez, veillez à vérifier et à réaliser vous même les réglages de bases (histogramme, exposition, netteté, etc) en vous fiant aux informations fournies par le logiciel et le scanner lors de la pré-numérisation. Si vous laissez ça en réglage par défaut ou en mode ‘tout automatique’, alors ce sera toujours trop clair, trop foncé, trop fade, trop saturé, trop éloigné du rendu espéré, trop éloigné de la réalité, etc… Si vous en abusez et/ou outrepassez largement les informations de la pré-numérisation, alors votre scan ne reflètera en rien ce que vous obtiendriez avec un agrandisseur… Et ce serait déjà en soi une forme de retouches numériques…

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