Il Peut le Faire ! (Partie 2 : Les Retouches)

Posted on

Mais ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’il faut le faire, ou encore moins, qu’on doit le faire…

Après une première partie sur les différentes façons de scanner des pellicules (disponible ICI), il est temps d’approfondir le sujet des retouches numériques. Pour ce faire, je vais simplement vous montrer différentes retouches (que ce soit juste quelques changements de réglages ou des modifications plus poussées), histoire que vous puissiez avoir tous les éléments nécessaires pour répondre à la fameuse question qui revient souvent : « Est ce que ça change réellement une photo de la retoucher ? »

Les Retouches Numériques

Comme je l’ai dit à la fin de la première partie, exagérer ses réglages à l’étape de la numérisation, du scan, c’est déjà, pour moi, faire de la retouche…

Alors oui, on peut largement faire l’équivalent de ‘retouches‘ sur de l’argentique, ou des effets spéciaux, et ce de façon traditionnelle, sans passer par un ordinateur :

  • Avant de shooter : On peut passer son film dans une ‘soupe‘ (mélange de divers produits visant à dénaturer le film avant de photographier avec), retourner le film afin d’obtenir un effet Redscale, utiliser des modes alternatifs de fixation de l’image (charbon, collodion humide, calotype, etc), ou choisir d’utiliser une pellicule particulière, déjà exposée, périmée, ou tout simplement vendue comme spéciale (CineStill, Adox, Washi, Revolog, Lomochrome, etc).
  • Pendant le shooting : On peut utiliser tout un tas de filtres sur l’objectif (ND, couleurs, stars, fog, soft focus, dual focus -ou demi bonnette-, dégradés, split, etc), utiliser des objectifs spéciaux (tilt & shift , bokeh control, etc), on peut faire des poses longues, des multi-expositions, etc… [N.B: Cette partie vaut également pour un appareil numérique]
  • Au développement : On peut faire du traitement croisé (développer un film positif dans du produit pour négatif, et vice versa), on peut faire du développement alternatif (caffenol, wineol, etc), jouer sur les temps, les produits…
  • Au tirage : On peut faire du tirage alternatif (anthotype, cyanotype, Van Dyke, papier salé, platine-palladium, gomme bichromatée, etc) ou exploiter un maximum les possibilités d’un agrandisseur (recadrage, filtres, objectif, etc).

C’est sur ce dernier point que les pro-numériques se basent surtout pour justifier leurs retouches car, à l’agrandisseur, toute manipulation (outre le simple tirage de contrôle ou de travail qui est exempt de toute modification) peut être une étape cruciale. Tout tirage vraiment travaillé jusqu’au bout sera généralement sujet à une ou plusieurs manipulations. Le recadrage, les filtres, la mise au point, etc, c’est en partie ce qui fera du tirage une « bonne photo« , et une des étapes les plus importantes, lors du passage à l’agrandisseur, reste le découpage du visuel selon l’exposition désirée (ou doge&burn).

À droite, un tirage de travail de Pablo Inirio indiquant les endroits à masquer, combien de temps les masquer, où et comment passer… À gauche, le tirage final, photo mondialement connue de James Dean à Times Square prise par Dennis Stock. On remarque que tout à été débouché et éclairci, sauf le manteau et le reflet de James Dean, de manière subtile et qu’on ne devine pas, donnant ainsi un bel effet de contraste qui n’était pas présent sur le tirage de travail.

Il serait excessivement facile de reproduire ce genre de travail sous Photoshop, surtout si on sait gérer les calques, les masques et les modes de fusion… Mais, pour moi, réaliser ce travail numériquement reviendrait à ‘tricher’… C’est tellement plus facile et tellement plus précis de faire ça sur un ordinateur… Quand un photographe qui ne travaille qu’en numérique se prête à l’exercice sans en abuser, pourquoi pas ; mais quand j’en vois certains qui peuvent passer des heures sur un simple détail, comme un visage perdu dans une foule, histoire de faire ressortir les yeux, les lèvres, les pommettes, ou autre, il est bien évident que ce serait extrêmement difficile, voire totalement impossible, de faire aussi précis avec un agrandisseur ! Qui plus est, arriver aujourd’hui à trouver un aussi bon sculpteur de lumière que Pablo Inirio, relève presque du miracle, tandis que trouver un bon tuto de dodge&burn sur le net prend moins de deux minutes… Donc voilà, si les aficionados du digital ne peuvent s’en passer, ce n’est pas parce que je scanne mes pellicules, rendant de ce fait ces images ‘numérique’, que je dois en faire autant… Si je dois le faire, ce sera à l’agrandisseur uniquement  ! Mais bon, pour le fun, essayons nous tout de même à quelques retouches très prisées par les temps qui courent !

Petit rappel, vous vous souvenez de notre image ‘référence’ ? :

Pour effectuer des modifications en bonnes et dues formes, je suis parti d’un scan en TIF haute qualité à 3200p. Pour une question de stockage, les résultats ont été uploadés en JPG, normalisés entre 72p et 600p

Puisqu’une image vaut parfois plus que mille mots, je vais donc faire subir à cette photo quelques outrages numériques relativement classiques…

1) Les Courbes

Une retouche qui me différencie de la plupart des pro-argentiques qui scannent, c’est que même ça, je n’y touche pas… N’importe quel logiciel de traitement d’image proposera un histogramme (pour les niveaux de noir, de blanc et de neutre), ainsi que les courbes des couleurs (en général la courbe principale RGB, plus une courbe par couleur). Traditionnellement, il est dit qu’une courbe se règle avant tout en fonction de l’histogramme. Selon la forme qu’il dessine (dôme, bosses, etc) on ajuste les courbes différemment. Pourtant, il s’est démocratisé une mode de la courbe en S inspirée par les courbes analogiques. Effectivement, en analogique (ici l’argentique donc puisqu’on parle de photographie classique, mais c’est encore plus visible en musique) il n’y a pas de crêtes anguleuses, mais des courbes. La courbe de base entame donc une douce montée arrondie, du plat vers le haut, puis suit une ligne quasi-droite ressemblant à une coupe à 45°, avant de se courber à nouveau en haut afin de redevenir plate. En numérique, on a tendance à accentuer cette courbe qui, de loin, ressemble donc à un S.

  • Waiting for the Sunset : Image d’origine
  • Courbes 1 : Courbes douces suivant l’histogramme
  • Courbes 2 : Courbe en S prononcée

On ne parlera pas de la courbe en S prononcée, définitivement pas adaptée à cette photo. Concernant celles dessinées d’après l’histogramme, ce n’est pas si horrible que ça, mais je ne trouve pas, et ça n’engage que moi, que ça l’améliore, je trouve juste que ça la change…

2) Lightroom CC

Logiciel de base d’un grand nombre de photographes numériques pour toute modification d’un fichier RAW. C’est comme lâcher un gamin gourmand dans un magasin de bonbons… C’est tellement facile… Trop facile… Bon, d’un coté je comprends, Photoshop (ou tout autre équivalent) c’est du boulot, ça demande un sacré apprentissage, alors que n’importe qui, même sans tutoriel, arrive à s’en sortir sans trop de soucis avec Lightroom. Histoire de, voici 4 exemples de retouches, volontairement exagérés (un chouilla), chacun réalisés en moins de 120sc chrono :

Facile, je sais… J’en ai fait des caisses ? Peut être, mais avouez qu’arriver à ça en moins de 2 minutes, ça calme un peu quand même niveau « simple développement d’un fichier RAW« … Non ?

3) Retouches de base

Mettons qu’on soit un tant soit peu sérieux, et qu’on veuille gentiment réaliser des ‘améliorations‘ simples. De petits réglages visant à changer un peu la photo sans trop la dénaturer, un ou deux calques de réglages, rien de trop méchant… C’est parti pour un petit florilège des retouches les plus simples :

Bon, je ne vais pas tout détailler, certains résultats ne sont pas vilains, loin de là,  mais j’en arrive à la même conclusion que pour ce qui est des courbes, ça change l’image sans que ça ne l’améliore véritablement.

4) Vintage

Les looks dit ‘vintage‘ reviennent souvent à la mode, et vu que je travaille en argentique, c’est ce que je pourrais obtenir naturellement avec le matériel ou les produits adaptés. C’est le genre de retouches qui visent à transformer une belle image numérique toute lisse en une photo qu’on pourrait croire argentique. On recrée virtuellement des visuels qui rappellent certains appareils, objectifs, pellicules ou traitement chimiques. Du coup, ça donnerait quoi sur une photo originellement argentique ? :

Pas folichon tout ça. Prenons par exemple la photo 05, extrêmement verte. Sur une photo numérique, avec de tels réglages, on obtient sans trop de mal un effet ressemblant à un traitement croisé sur de l’Agfa Precisa CT ou de la Lomography X-Pro. Là, le rendu n’est vraiment pas terrible… Trop criard, trop de grain… En revanche, sur la 07, vaguement inspirée par du Polaroid TZ Artistic, le rendu n’est pas trop mal. Mais bon, vouloir faire ressembler une photo argentique à une photo argentique, c’est quand même un peu tordu… Même pour moi…

5) Retouches complexes sous Photoshop

Bon, il est temps de passer à des choses un peu plus sérieuses. On se lâche ! Images dupliquées, retouches graphiques, calques de réglages à foison, masques divers et variés, jeux sur les modes de fusion, j’en passe et des meilleures ! En résumé : de l’infographie…

Le secret d’une bonne retouche sous Photoshop, c’est comme un bon make-up, si on veut que ça paraisse naturel, il faut en faire des tonnes et y passer beaucoup de temps… C’est lorsqu’une personne croit deviner deux ou trois effets bien visibles (haze, light leaks, flare, etc) et quelques réglages assez simples, alors qu’en réalité on est plutôt sur des images à deux ou trois heures de boulot chacune, et qu’on a finalisé avec deux ou trois effets plus visibles, parce que c’est uniquement ces effets qu’elle voulait voir et qui l’ont attirée vers nous, ce sont ces effets là qui plaisent… Dans l’absolu, moins on voit que c’est un énorme travail, mieux c’est… Ces six images ne dérogent pas à la règle. Vous voyez les dégradés, les effet brumeux, les effets lumineux… Mais vous n’imaginez pas ce qu’il faut pour rendre tout ça un minimum homogène, pour que les ombres soient d’une couleur mais pas les noirs qui se trouvent ailleurs sur l’image, pour que le reflet dans les lunettes se détache du reste, pour ajouter une source de lumière inexistante tout en faisant croire que c’est naturel, ou au contraire exagérer ces lumières pour que l’image ressemble à une pub aux effets visibles faussement futuristes… C’est du travail, et savoir le faire est plus que pratique quand on veut bosser dans le design ou l’infographie mais, pour moi, en terme de photographie pure et dure, ça ne vaut pas un clou.

6) Pour le fun : les effets spéciaux

Parce que Photoshop est une grosse machine, on peut faire quasiment tout et n’importe quoi avec, à partir du moment où on sait ce qu’on veut et qu’on maitrise un minimum le logiciel. Quelques exemples, des trucs que j’aimais assez faire quand j’étais vraiment à fond là dedans :

  1. Un effet de photo ayant subit les affres du temps.
  2. Effet inspiré par le rendu des films Polaroid Chocolate.
  3. Effet d’un film en Technicolor réalisé à base de calques.
  4. Effet d’un film en Technicolor réalisé en modifiant et en teintant directement les canaux de couleurs (subtil, mais pour moi ça change tout !).
  5. Effet ‘rotoshop’ réalisé à la va-vite. J’avais utilisé un effet semblable pour mon film « Traces » (petite histoire ICI)
  6. Effet entre comic-strip et pop-art

Je me suis épargné le matte painting et le détourage/incrustation, parce que c’est vraiment long, et que ce n’était pas vraiment nécessaire pour cette petite démonstration. Maintenant, vous avez tout de même vu un assez large panel des possibilités d’un logiciel de traitement d’images, donc je vous laisse seuls juges et vous laisse répondre vous-même à la question « Est ce que ça change réellement une photo de la retoucher ?« .

P.S : J’ai volontairement fais l’impasse sur tout ce qui touche aux smartphones, tablettes, et à leurs applis de photo et retouches. Sachez cependant que de nos jours, on peut obtenir des rendus proches de certains montrés dans cet article en quelques tapotements sur un écran. Que ce soit dans les applis directement intégrées aux smartphones, les applis populaires de partages (au hasard, Instagram), les applis plus pro de retouches (VSCO, Snapseed, Pixelmator, Enlight, etc), et ceux qui se sont adaptés à ce nouveau marché (on trouve Lightroom et Photoshop en appli par exemple), les retouches de qualité sont de plus en plus simples à effectuer… Heureusement, tant qu’un smartphone ne sera pas capable de prendre une photo en RAW ou d’exporter une image dans un format non destructif, le privilège de la qualité restera aux véritables appareils photo.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.