Être et Avoir Été

Un peu comme un vertige, un peu comme une page blanche.
Ne rien entendre. Ne rien dire. Ne rien voir venir.
N’être qu’un simple humain semblable à tout les autres.
Tuez tous vos héros. Je suis celui de mon propre film, et je mourrai un jour.
Prison de banalité, souffrir de la normalité.
Ambiance saturée. Retour en arrière. Encore et toujours, regarder en arrière.
Se donner du recul. S’offrir un nouveau point de vue, pour soi-disant avancer.
Et surtout ne pas refaire les même erreurs.
Sans comprendre pourquoi, ne jamais s’en détacher. Évidence de la réalité.
Nous ne sommes que les fruits plus mûrs d’un passé trop lourd.
Les yeux rivés sur un avenir plus loin que l’horizon. Être fatigué d’avancer.
La destination ne compte jamais. Il ne restera que des souvenirs, une fois arrivé.
Souvenirs éprouvés d’un voyage souvent trop éprouvant.
Faire une escale qui n’a que trop durée.
La vie comme une peine de travaux forcés. Appartenir à la société.
Comme un code barre sous la peau. Et du papier qu’on échange contre des biens inutiles.
Suivre les vagues de la mode, comme les moutons leur berger télévisuel.
S’abreuver d’information publicitaire, vivre les envies du voisin.
Se lever le matin avec pour seul but d’être et avoir mieux que les autres, que les siens.
Fourmilière de béton et d’acier où la reine mal élue n’est qu’une pute capricieuse qui en demande toujours plus pour simplement vous laisser crever en paix.
La survie n’est plus ce qu’elle était.
Suivre les phares dans la nuit comme une rivière de rouges et de jaunes.
Se complaire sans complaintes dans ce qu’on nous apprend à aimer.
Vivre comme on nous a modelé.
Conscience et imaginaire collectifs en décalage.
Savoir que l’on n’est pas de ce monde. Pas de ce temps. Pas de cette vie.
On est tout juste ce qu’on se pardonne. ‘Trop étrange pour vivre, trop rare pour mourir’.
Attendre son heure sans se battre. Résigné.
Avoir perdu plus que ses rêves. Avoir perdu l’envie. Avoir perdu la rage.
Attendre alors un signe. S’il ne me reste que le temps…
Un temps pour naître. Un temps pour mourir.
Mais quand savons-nous que le temps est venu ?
Venir au monde sans qu’on nous ait demandé notre avis, pour commencer à mourir.
Être élevé par des gens qui, la plupart du temps, ne savent pas vraiment ce qu’ils font.
Grandir, au milieu de règles et de lois dictées par d’autres, et que l’on doit suivre.
Vieillir, selon les lois d’un univers en marche, et qui ne s’arrête pas.
Mourir, victime d’un temps que l’on ne maîtrise pas.
Mourir avant parfois, parce que c’est comme ça.
N’être qu’un mort parmi les vivants. Vouloir passer inaperçu. Rester là.
Apprendre à s’émouvoir d’un cliché, parce que c’est tout ce qu’on garde de la vie.
N’être plus qu’un souvenir, une histoire que l’on a racontée.
N’être qu’un pierre sur le chemin. Vivre pour n’appartenir qu’au passé.
Essayer d’être original ne sert a rien si on ne devient pas un cliché ; on nous aura vite oublié. Figer le présent. Ce qui était sera, mais ce qui est ne sera plus jamais.
Vouloir laisser une trace pour, à l’avenir, continuer d’exister dans le passé.
Naître d’un désir égoïste pour vivre avec le passé des autres.
Arriver au bout du chemin, et devenir le passé.
Naître c’est commencer à mourir ;  alors n’être que pour avoir été.

M.

«Une personne rationnelle n’attendra pas du monde qu’il se conforme autour de ses idées ; elle comprendra qu’elle doit se conformer aux conventions de ce monde rationnel. Alors, toutes les importantes percées sont accomplies par des personnes irrationnelles.»

David Mack